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Article de notre psychologue Jérôme LICHTLE sur les enjeux d’une prise en charge précoce

Article de notre psychologue Jérôme LICHTLE sur les enjeux d’une prise en charge précoce

« Plus la prise en charge d’un enfant avec autisme commence tôt, meilleur est son pronostic d’évolution. Même si cette affirmation peut vous paraître évidente, la France est pourtant encore loin de pouvoir répondre à cette exigence. Explications :

Les preuves de la plus grande efficacité des prises en charge précoces

Une étude récente s’est intéressée à l’efficacité d’une intervention précoce par rapport à une prise en charge plus tardive.  Dans cette étude, 83 enfants, âgés entre 12 et 36 mois, bénéficient d’une prise en charge comportementale, entre 20 et 30 heures par semaine. Sur une année d’intervention, tous les groupes d’âge ont montré une amélioration, mais ce sont les plus jeunes enfants qui ont présenté des améliorations de leurs compétences les plus significatives.

Comme pour toute recherche, ces résultats ont bien sûr besoin d’être confirmés et étendus. Néanmoins, depuis la fin des années 80, de nombreux travaux ont déjà permis de recueillir des données allant dans ce sens (voir par exemple les travaux de J. Rogers et A. Vismara en 2008Sallows et Graupner en 2005McEachin, Smith et Ivar Lovaas en 1993)1.

Globalement, les études montrent qu’après l’âge de 4 ans, les possibilités d’apprentissage de ces enfants commencent déjà à diminuer. La petite enfance est en effet une période de grande plasticité dans le développement du cerveau et le potentiel d’apprentissage. On devrait donc s’attendre à ce que les expériences précoces d’intervention contribuent de façon plus importante à des modifications neuronales et donc à des changements comportementaux chez ces enfants. L’idée est donc de relancer le processus de développement en s’appuyant sur cette plasticité cérébrale.

Avec de telles données, il n’est donc pas étonnant que les autorités sanitaires préconisent une prise en charge précoce de l’autisme (« Des projets personnalisés fondés sur des interventions précoces, globales et coordonnées, débutées avant 4 ans, dans les 3 mois suivant le diagnostic de TED, sont recommandés pour tous les enfants avec TED. »). Le 3ème plan autisme met également un point d’honneur à dépister et intervenir le plus tôt possible.

La réalité sur le terrain

Malgré tout, en France, les enfants avec autisme sont encore trop peu nombreux à bénéficier rapidement d’un suivi. Pourquoi ?

– En France, l’âge moyen des diagnostics de troubles du spectre de l’autisme (TSA) est d’environ 6 ans. C’est tard par rapport à d’autres pays, surtout lorsque l’on sait que laHaute Autorité de Santé recommande un début d’intervention avant 4 ans. D’autant plus que ce diagnostic pourrait être posé dès 18 mois. Bien sûr, certaines équipes hospitalières proposent déjà des diagnostics à partir de 18 mois (l’équipe de Robert Debré par exemple donne des diagnostics transitoires). Mais ces équipes sont encore insuffisantes car les listes d’attentes sont souvent longues.

– Pour pouvoir poser un diagnostic, il faut en premier lieu dépister les enfants « à risque » d’autisme. Or certains facteurs de risques peuvent être identifiés dès 12 mois, voire bien plus tôt (2 mois pour certains comportements, notamment le suivit oculaire)2. Les différents acteurs de ce dépistage précoce (pédiatres, médecins généralistes, assistantes maternelles) devraient donc être les premiers à repérer ces signes d’alerte. Malheureusement, ces professionnels de santé ne sont souvent pas formés au repérage de ces signes. Selon une enquête de la Fondation FondaMental, ce sont les parents qui détectent les premiers les signes de l’autisme, puis l’école et en dernier le milieu médical. D’après cette enquête, les parents détecteraient d’ailleurs ces signes de plus en plus tôt, probablement du fait  d’une plus forte sensibilisation à l’autisme.

Pour finir, même si ces enfants sont repérés suffisamment tôt, encore faut-il qu’ils bénéficient d’une bonne prise en charge. Or en France, les interventions de qualité sont encore trop peu nombreuses (peu de professionnels sont correctement formés) et financièrement coûteuses pour les familles (paradoxalement, il existe encore des soins hospitaliers inadaptés et remboursés par la sécurité sociale). On peut également déplorer que 80% des enfants avec autisme ne soient pas scolarisés.

La mobilisation des associations

Un dépistage et une prise en charge adaptée doivent donc être réalisés le plus tôt possible. En attendant que les pouvoirs publics développent une offre de soin plus adaptée, des associations se mobilisent pour tenter de répondre à ces besoins d’interventions précoces. C’est le cas de La Vie en Bleu, une jeune association parisienne. Son action est novatrice car en plus de faciliter des prises en charges comportementales dès 12 mois, elle se donne également pour objectif de former des professionnels de la petite enfance au dépistage précoce des Troubles du Spectre Autistique (TSA) : « la vie en bleu organise des séminaires auprès des pédiatres, PMI, assistantes maternelles, crèches, instituteurs afin d’apprendre à ces professionnels à détecter les signes de l’autisme le plus tôt possible ». L’association a également pour but de promouvoir l’inclusion en milieu ordinaire.

En espérant que les actions pertinentes de telles associations puissent inspirer un peu plus les pouvoirs publics. »

Sources :

MacDonald, R., Parry-Cruwys, D.,  Dupere, S. et Ahearn, W. (2014). Assessing progress and outcome of early intensive behavioral intervention for toddlers with autism. Research in Developmental Disabilities, 35, 12 : 3632-3644.

Rogers, S. et Dawson, G. (2013).L’intervention précoce en autisme. Le modèle de Denver pour jeunes enfants.Paris : Dunod.

  1. Il est important de préciser que ces travaux concernent une intervention comportementale de l’autisme, préconisée depuis 2012 par la Haute Autorité de Santé (HAS) et l’Anesm.Toujours selon la HAS, la prise en charge devrait être au minimum de 20 à 25 heures par semaine.
  1. Un dépistage précoce peut être effectué dès 18 mois de manière assez fiable avec le test M-CHAT (Modified CHeklist Autism for Toddlers). Il s’agit d’un questionnaire rempli par les parents à partir d’observations de la vie quotidienne, mais dont le résultat ne peut être interprété que par une équipe formée.

 

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